On peut en voir la cause immédiate dans un système financier mondial devenu fou, mû exclusivement par la cupidité de ses divers acteurs (traders, banquiers, courtiers, etc.) en recherche d'un profit immédiat, sinon instantané, le plus élevé possible; prêts pour cela à prendre les risques les plus insensés (on l'a vu avec l'affaire Kerviel), voire à falsifier les comptes (comme avec Bernard Madoff). Je ne résiste pas au plaisir de citer, s'agissant de ce comportement dément des acteurs financiers, le message du 8 décembre 2008 de Benoît XVI, préparatoire à la 42ème Journée mondiale pour la paix :"La récente crise démontre comment l'activité financière est parfois guidée par des logiques purement auto-référencées et dépourvues de considération, à long terme, pour le bien commun. Le nivellement des opérateurs financiers mondiaux à l'échelle du très court terme, diminue la capacité de la finance de jouer son rôle de pont entre le présent et l'avenir, pour soutenir la création de nouvelles possibilités de production et de travail sur une longue période".
Mais cette cupidité des opérateurs financiers n'aurait pas été possible si elle n'avait pas elle-même été adossée depuis trente ans à l'avidité croissante des élites dirigeantes de l'économie. Une statistique peu connue concernant la décomposition de la valeur ajoutée nette des entreprises aux Etats-Unis illustre cette affirmation. Entre 1975 et 2005, le partage de cette valeur ajoutée s'est effectué en faveur :
- des actionnaires, dont les revenus financiers sont passés de 8 à 11% du total. Mais ce prélèvement s'est réalisé au détriment de l'autofinancement des entreprises qui a régressé dans le même temps de 5 à 2%. Il n'y pas lieu de s'étonner ensuite de l'effondrement de la compétitivité américaine !
- des dirigeants et cadres supérieurs composant le décile supérieur (10% des salariés les mieux payés) dont la masse salariales est passée de 23 à 30% du total, contre une baisse de 64 à 57% pour les 90% des autres salariés.
Or, cette avidité qui rend cupide est aussi le signe d'une profonde stupidité, pour autant que l'on veuille considérer que l'attitude intelligente et saine d'un homme responsable soit de laisser à sa descendance une terre habitable et si possible féconde et paisible. Qu'en sera-t-il alors sur la base d'une avidité devenue aussi générale, d'une telle recherche du gain immédiat? C'est le pape Benoît XVI, dans le document précité, qui remarque :"Une finance limitée au court terme et au très court terme devient dangereuse pour tous, même pour ceux qui réussissent à en tirer profit dans les périodes d'euphorie financière".
Peut-être la crise actuelle, qui met véritablement l'Humanité au bord du gouffre, sera-t-elle l'occasion d'un sursaut vital, d'une remise en cause de nos modèles de production et de consommation, des mécanismes de régulation et de contrôle qui régissent aujourd'hui nos sociétés, de nos styles de vie appelés à devenir plus sobres et moins tape-à-l'œil. Il faut le souhaiter et surtout le vouloir pour éviter le désastre. Ecoutons à nouveau ce que dit Benoît XVI : "Dans la réalité mondialisée actuelle, il apparaît avec toujours plus d'évidence que la paix ne se construit que si l'on assure à tous la possibilité d'une croissance raisonnable : tôt ou tard, en effet, tous doivent payer les distorsions des systèmes injustes. Seule l'inconscience peut conduire à construire une maison dorée avec tout autour le désert et la désolation".
Gérard Donnadieu
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